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Virées du week-end

Identité d’humour nationale

Deux traits d’humour

mardi 24 novembre 2009, par Doszen, Dridjo

Cette fois encore je me suis fait tirer l’oreille pour y aller. Je devrais arrêter de faire des promesses. J’avais promis à une amie d’aller voir le spectacle « Rosenplouc - Il faut de tout pour faire un immonde » mais plus l’échéance arrivait, plus la pensée de manger mon dimanche soir, mon moment de flemmardise favori, me poussait à trainer des pieds. En plus il pleuvait !
Quelques jours avant ça je m’étais déjà trainé par la peau du derrière pour aller au théâtre du Temple voir le One-man-show de Fabrice Eboué. C’était une promesse que je m’étais faite à moi-même, et donc que j’ai eu encore plus de mal à tenir !
Deux jours de théâtre dans la semaine, Ouf, il faudrait que je fasse attention à ne pas m’embrouiller l’esprit avec trop de consommation culturelle… même si assister à des One-man-shows comique ce n’est probablement pas ça qui me provoquera une tendinite au cerveau. Quoi que…
Quoi que ces deux spectacles m’ont fait me poser des questions sur le sujet d’hyper-actualité en France aujourd’hui ; des questions sur l’identité. Why ? J’explique.

Fabrice Eboué est un comédien qui fait du stand up à l’américaine. Je dis à l’américaine parce qu’en France tout ce qui porte un nom « english » revêt tout de suite un aspect fashion-tendance de la mort qui tue. Gerry Seinfeld sera vu comme le (ex-)pape du stand up US alors que certains aficionados de Jean-Marie Bigarre seraient horrifiés si on disait de leur comique préféré qu’il fait un « One-man-show ».Extrémistes américanophobes et américanophiles extrêmes dos à dos.

En parlant de Jean-Marie bigarre ; un zeste de lui, une pincée de Dieudonné, une cuillerée de Stéphane Guillon et un chouïa de Kate Williams, mélangez le tout et vous obtenez un Fabrice Eboué.
L’humour est djeun’s, trash ; ça fuse, ça fume ; c’est noir, c’est cynique, mais surtout c’est super drôle. Les rires accompagnent les anecdotes de vie d’un parisien sur le mode fumette-famille-bouyave. Tous les jeunes des villes rigolent de se reconnaitre dans les vannes qui fusillent et les jeunes des champs s’esclaffent du ton plus ou moins étrange pour eux de ce francilien pure souche. Et le public dit tout de la cible voulue, ou non, de Fabrice Eboué, il est jeune noir-blanc-basané.
Le moins de cette soirée ? A trop se reconnaitre dans l’humour on en perd l’effet découverte, l’originalité. Trop souvent on se dit « hou super drôle, c’est la vanne du pote à Titine d’hier ». Trop souvent on a l’impression que c’est du rire un peu facile. Le « tu as une tête à sucer toi » est un peu trop gratos, même si quand a suivi la vanne sur le hérisson (ou castor ?) j’ai failli me pisser dessus.
N’empêche, F. Eboué est largement capable de solliciter un peu plus l’huile de cerveau de son public, avec un peu plus de second degré et de subtile ironie. C’est dommage qu’il ne le fasse que de façon si parcimonieuse.

Michel Rosen lui est plus âgé qu’Eboué. La quarantaine entamé et il est dans le métier depuis beaucoup plus longtemps semble-t-il. Mais la vie n’ayant jamais remporté le prix Nobel de justice, Michel Rosen est beaucoup moins connu que son jeune confrère et ne rempli donc que le mini théâtre comédie Nation. Dans tous les cas heureusement pour tous que le talent ne se mesure pas à la capacité d’accueil d’une salle sinon les deux comédiens seraient mal barrés.
Le public est plus âgé. Plus de 35 ans de moyenne et très majoritairement des blancs qui sont venus assister à la performance de comédien d’un homme manifestement nourri au lait de Charlot, avec un arrière-goût des frères Taloche pour le côté burlesque et un peu « space », au sucre de Raymond Devos avec son appétence pour la gymnastique des mots, relevé d’un léger parfum de chocolat à la Eddy Murphy pour la pointe d’humour pipi-caca-baise.
L’énorme fou-rire fut rare. Du moins pour moi. Mais les sourires étaient permanent et étaient interrompu par des saillis rigolardes qui vous tombent dessus au détour d’un bon mot. Les textes sont engagés et entre les (grosses) lignes Rosenplouc dénonce pêle-mêle les dérives du politique, de la finance, du cultu(r)el et du social.
C’est cet engagement et le coté décalé du show qui fait sa force mais aussi son talon d’Achille. On n’est pas forcément d’accord avec certains points de vue et on perd parfois le sourire face à des propos qui peuvent faire tiquer selon les sensibilités. De plus utiliser des clichés pour mieux les dénoncer est une approche traditionnelle des humoristes mais dans ces cas là il faut être très, très, très drôle pour ne pas se brûler les plumes. Le spectacle ne réussi pas toujours à éviter ces ornières.

Tout ceci dit, où diable est le rapport entre ces deux spectacles et le débat sur l’identité nationale !? Ben, le public et l’humour of course.
Les deux publics n’avaient rien à avoir l’un et l’autre, les deux types d’humour n’avaient pas le moindre angström en commun, et dans les deux cas les salles étaient pleines de français qui riaient. Alors je me demande, à la fin de ce barouf sur l’identité nationale, quand ils auront défini ce qu’est être français, quand ils auront mis en boîte ce que DOIT être un français, quand ils auront pondu une publie, un dico ou une fable de la loi du français type ; lequel de ces deux spectacles servira d étalon définissant « l’humour à la française » ?
A quels types de vannes devront rigoler les futurs immigrés pour pouvoir prétendre à une naturalisation ?
Et si le public de Rosenplouc, ou celui de Eboué, refusaient de rigoler aux blague(ur)s qui seront labélisés « humour de l’ identité française », on fait quoi ? On les vire du territoire ou on leur colle simplement un pin’s « français de ligue 2 » sur le poitrail ?

Finalement je suis allé à deux spectacles d’humour pour me détendre et me vider la tête d’une semaine dense de boulot et j’ai fini avec une crampe du cortex cérébral à force de me poser un million de questions existentielles. Je crois que la prochaine fois je vais me contenter d’aller prendre une carte UGC. Enfin…

Théâtre Le Temple
18, rue du Faubourg du temple
75011 Paris
ROSENPLOUC
Comédie Nation 77 rue de Montreuil, 75011