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Le monde de l’emploi en france

Vision très personnelle

lundi 2 juillet 2007, par Jocelyn

Chercheur d’emploi régulier (snif !) depuis des années en France, et surtout très intéressé par l’économie en général, je vois petit à petit le paysage de l’emploi changer. Au travers de mes lectures mais aussi de mes conversations d’avec des responsables de formations, des managers en SSII (parfois en plein entretien d’embauche !), des gérants de TPE (Très Petite Entreprise) de ma connaissance, etc... je me suis forgé ma petite idée de ce qui se passe aujourd’hui. Sans la prétention de vous livrer une vérité universelle, je vous expose ma vision.

Faillite de l’état, réforme des retraites, trou de la sécurité sociale, …. Autant de thèmes qui font la une de tous les journaux, économiques ou non. Et parmi les mots les plus pointés du doigt revient sans cesse la "rigidité du marché de l’emploi".
Culturellement la France est un pays qui prône la stabilité de l’emploi, des revenus, avant toutes choses. D’où le règne du désir d’emploi à la fonction public, la course au contrat en CDI (contrat à durée indéterminée) avant toutes considérations d’intérêt intellectuelle ou même financier. Les détracteurs de ce système mettent en opposition les systèmes anglo-saxons où la protection du salarié est très faible, ce qui assurerait à ces pays un plus grand dynamisme économique.
Outre les demandes incessantes des chefs d’entreprises visant à légiférer sur des assouplissements des conditions de ruptures de contrat entre autres ; les grands donneurs d’ordre ont mis en place des systèmes de contournement, de sorte qu’en réalité les problématiques liées à la souplesse des contrat de travail sont plus un souci pour les petites et moyennes entreprises que pour les multinationales.

Des entreprises qui contournent la législation

Un des axes "d’évitement" pris par les grands donneurs d’ordre consiste à recourir de façon de plus en plus régulière aux sociétés de prestation de service.
Au départ cantonnées à des interventions ponctuelles, sur du court terme ; une sorte d’intérim mieux structuré et de haut niveau généralement ; les sociétés de services intellectuels sont de plus en plus sollicités pour occuper des emplois pérennes. En remplacement de postes vacants ou pour reconstituer parfois des services entier.
L’avantage de ce mode de fonctionnement pour les grandes entreprises alors que manifestement le prix facial d’un prestataire facturé à la journée est très largement supérieur à une embauche directe ?

• D’un point de vue comptable d’abord, on transforme une grande partie de sa charge fixe (charges de fonctionnement) en charges d’investissement. Les experts sauront mieux entrer dans les détails de cette gymnastique comptable, mais il faut simplement retenir que cela permet ainsi aux entreprises de bénéficier de conditions fiscales plus favorables. Mais surtout, en s’épargnant la gestion des charges salariales lourdes et d’une administration des ressources humaines parfois gourmande en effectif, ils tirent profit d’économies induites non négligeables.

• Le second point d’importance qui favorise l’utilisation massive des "prestataires de services" réside dans la notion de « transfert de risque social ». En se délestant de la charge de personnel au profit des sociétés de service (et dans une moindre mesure aux sociétés d’intérim), les donneurs d’ordres ne sont plus soumis aux aléas du marché. C’est-à-dire, quand le contexte économique devient morose il leur est facile de mettre un terme à un contrat de prestation. Ils s’évitent ainsi d’éventuels chômages techniques ; mais plus important, ils peuvent ainsi jouer sur la masse salariale comme leviers pour maintenir leurs marges bénéficiaires.
De plus tous les risques de potentiels conflits sociaux sont délégués aux sociétés prestataires.

Le rôle ambigu des sociétés de services

L’appel à la prestation de service permet donc déjà à bien d’entreprises de contourner la très décriée "protection sociale excessive" des salariés. Les conséquences pour le salarié sont importantes. Les sociétés de prestation de service prenant en charge tous les risques liés à la gestion des ressources humaines, cela induit un fonctionnement auquel les salariés se doivent de s’adapter.

En premier lieu, le phénomène constaté est le boom sur le marché de l’emploi des recrutements d’employés au profil « RH ». Ceci n’est pas contradictoire avec le recul économique actuel car les sociétés de service « produisent » des services intellectuels et leurs seuls actifs sont les actifs humains. D’où le bonheur des profils issus de formations tournées vers la gestion des ressources humaine.
Le marché n’étant pas un lieu d’utopie, les sociétés de prestation se prémunissent des risques sociaux et des risques liés aux fluctuations du marché économique en recourant parfois à des pratiques plus ou moins avouables.
Parmi les pratiques les plus usités, il y a le saucissonnage de la société en une multitude de petites filiales. Cette filialisation est officiellement propice à une meilleur souplesse, une moindre lourdeur hiérarchique et donc favoriserait des structures plus réactives et plus compétitives. Les gains moins avouables sont une taxation fiscale moindre (chiffre d’affaire lus faible, échelle de bénéfices plus faible et donc imposition plus faible) ; s’exonérer de comité d’entreprise (pour les entreprises de moins de cinquante personnes) propice à une syndicalisation trop importante.

Ces pratiques très discutables sont nées des dérives qu’entrainent la course à la performance financière additionnée à la pression sur les prix exercée par les donneurs d’ordre. Un management humain parfois plus que défaillant consistant à considérer ces employés, actifs humains, comme de simples produits de l’entreprise. Trop souvent règne un mode de fonctionnement « capitalistique » caricatural.
Quand le marché est au beau fixe pour les employés, le turn-over (taux de rotation des employés dans l’entreprise) atteint des sommets car la course à l’échalote monétaire règne en maitre. A contrario, sur les marchés plus que « bouchés » économiquement, des pressions sont exercées sur les salariés afin qu’ils fassent place nette. Les services des prudhommes ne comptent plus le nombre de plaintes pour licenciement abusif à l’encontre de ces sociétés.
Cependant dans cette « modernisation » du paysage français, les sociétés de prestation ne sont pas seules responsables des dérives constatées à l’encontre des salariés d’une manière générale.

Comme dit plus haut, dans le modèle classique français, avec une culture très étatiste, les entreprises recrutaient leurs collaborateurs sur leur « potentiel ». Le recrutement était fait avant tout sur la base du potentiel de progression et d’une base de connaissance nécessaire ; puis l’apprentissage du « métier » était réalisé au sein de l’entreprise. Les grands donneurs d’ordre se délestent de plus en plus des ces impératifs de formation interne en sous-traitant les embauches et donc la gestion des carrières et des compétences indispensables. Les sociétés de service doivent alors faire face à des demandes de plus en plus exigeante pour des profils « prêt-à-l’emploi » sur un marché où certaines compétences se font rares.
Les sociétés de service sont donc entre le marteau des rémunérations qui s’envolent et l’enclume des donneurs d’ordre qui tirent les prix vers le bas. Par conséquent se développe une sorte de « jeux » du qui perd gagne entre sociétés concurrentes qui débauchent chacun son tour les compétences clefs du voisin. Et les salaires s’envolent d’autant.

Pour un bon nombre de société la situation est frustrante quand elles entrevoient un candidat au potentiel prometteur à qui il manque le chouïa de connaissance de ci ou de ça. Les clients exigent cette compétence marginale et eux-mêmes sont dans l’impossibilité de faire réellement monter en compétence ces candidats. Seuls les structures (sociétés de services) les plus grosses peuvent se permettre une politique de formation interne, soit en profitant de leur contrat « au forfait » gérés en interne, soit en bénéficiant d’une large confiance de leur client qui acceptent des profils par ailleurs jugés exotiques.
Pour les plus petites structures le salut réside dans la perle rare qu’est le jeune diplômé ayant à son actif LE bon stage dans LE bon environnement technique et qui serait dans l’urgence financière !
L’autre solution, pas si rare, consiste à « doper » le curriculum vitae des candidats en croisant les doigts pour que le « collaborateur » sache rapidement s’adapter avant que le client ne découvre le pot-aux-rose.

Les futurs employés appelés à s’adapter

Le panorama fait ci-haut renvoi à des changements auxquels les futures salariés vont devoir se résoudre et s’adapter car de l’avis général à moyen terme, l’emploi est voué à connaitre plus de flexibilité.

La première révolution culturelle est dans la disparition progressive de l’idée d’appartenance à une entreprise. Par définition le prestataire de service, ou le titulaire d’un contrat court, est voué à travailler dans une entreprise qui n’est pas la sienne (locaux du client) pour un employeur dont il sera souvent éloigné au moins physiquement. La notion de « culture d’entreprise » devient donc de plus en plus brumeuse et il s’agit pour les employés de cultiver une très forte capacité d’adaptation à des environnements nouveaux. La « caméléonite aigüe » est désormais une pathologie fortement recommandée.
Cette disparition de l’attachement est réciproque entre entreprise et employés. Il faut donc pour ces derniers adopter une attitude beaucoup plus volontariste et individuelle dans la conduite de leur carrière professionnelle. L’évolution de la carrière devient une démarche à imposer à son employeur face aux désirs « business » qui consiste pour la société, à faire faire à l’employé ce qu’il sait déjà faire ad vitam aeternam ou plutôt tant que l’on en tire des deniers stables.
Cependant cette nouvelle donne confère aussi des possibilités nouvelles en termes d’évolution de carrière. On sort ainsi du carcan traditionnel des "grilles de salaires", des "indices d’évolution" etc… Seul le marché et la capacité de chaque employé à se "battre" conditionneront sa progression en responsabilité et en rémunération.

Le nouveau paysage économique qui semble se mettre en place pose d’énormes problèmes mais ouvre aussi des portes pour les futurs salariés. Malheureusement les bouleversements actuels ressemblent à une montée trop rapide de la marée et n’est pas assez accompagnée. Trop peu d’actions d’information, de communication, dans le cadre d’un vrai accompagnement au changement de la population sont mis e n place pour aider les employés mais aussi les employeurs à changer leur culture de fonctionnement.
Abandonner la stabilité de l’emploi, l’appartenance à l’entreprise pour plus de liberté mais aussi plus d’instabilité et d’incertitude pour le salarié.
Renoncer à des employés fidèles et concernés personnellement par le succès de l’entreprise, intégrer les problèmes dû au turn-over incessant pour gagner en souplesse dans le pilotage de son entreprise et surtout s’exonérer des contraintes sociales et humaines.

Entreprises comme employés ont à perdre et à gagner par rapport à l’inexorable changement de mœurs du marché français si les deux parties ont l’intelligence de maintenir les équilibres.