Les seules limites sont celles que nous nous imposons

Accueil > Mes lectures > The bluest eye - L’œil le plus bleu

Jet d’encre

The bluest eye - L’œil le plus bleu

Toni Morrison

lundi 18 octobre 2010, par Dridjo

Je me suis jusqu’à présent interdit de chroniquer des livres, et pour cause.
Je préfère aussi avoir le regard externe du spectateur qui va au théâtre sans rien n’y connaitre du tout à l’art dramatique, qui a simplement le plaisir intense d’admirer des performances qu’il se sait incapable de reproduire. Et qui fait l’éloge de tous ces Hommes courageux qui osent s’attaquer au spectacle du vivant qu’est le théâtre.
Mais toute règle est faite pour être contrecarrée, et je vais me vautrer dans le déni de mon interdit avec délectation car j’ai découvert un joyaux.

Magnifique, le "Bluest eye" de toni Morrisson est magnifique.
C’est une lecture lente, sombre, dure.
Tristesse, petitesse des personnages, antipathiques, désespérés.
Un univers chaotique sans espoir.

C’est l’Amérique des années 50-60 au travers de personnages d’une négative banalité, des parcours dont on se dit "mais pourquoi écrire un livre sur des gens aussi antipathiques, qui poussent aussi peu à ce que l’on s’y attache !?"

Et malgré cela, on ne peut pas s’empêcher de lire, de vivre, d’écouter les voix qui nous content les histoires de ces gens.
Tour à tour narrateur, "je" des personnages, "il" du regard extérieur ; c’est déroutant.
Mais c’est tellement bien écrit, tellement juste que l’on a envie, toutes les 5 pages, de passer une des longues tirades au surligneur rose bonbon, tellement les choses sont dites de belle manière, et que l’on voudrait s’en souvenir pour pouvoir balancer ces phrases au cœur d’une conversation en compagnie d’une quelconque élite bourgeoise. Histoire de se donner des accents de sagesse.

Cholly, Pauline, Peccola, Frieda, Soaphead Church, ... impossible de les aimer, ni de les détester vraiment. Impossible de s’arrêter de rentrer dans leur histoire.

On avance, on avance, à l’aveugle, avec une histoire bâtie comme un puzzle énervant, on ne sait pas où on va.
Puis on lit les dernières pages, et là on pense "P.@#%@##$ de B.##@ùù@# de M.##@@%$ !! CE BOUQUIN EST GÉNIAL !"

C’est fou comme un livre écrit aux US, par une femme, dans les années 50, peut éveiller autant de choses communes dans la tête d’un africain d’Europe des années 2010.
La quête de " l’œil le plus bleu " continu de sourdre dans les esprits des afro du monde. Toujours camouflée derrière des effets de mode ; perruques blondes, décapage des peaux noires, lentilles vertes, ...

J’ai rarement lu livre plus déprimant. J’ai rarement été aussi touché par une lecture.