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Virées du week-end

Nema Problema, la voie est libre

mardi 26 octobre 2010, par Doszen, Dridjo

Ce garçon que rien n’avait préparé à ce futur sanglant s’est fait piéger dans cette guerre, entre dégoût et justification de l’inacceptable. Aujourd’hui il beugle de sa voix de stentor rempli de rage, et de douleur, son histoire de soldat mort non pas de balles, mais de la déshumanisation des hommes.

Nema Problema , Nema Problema. Pas besoin de traduire, pas besoin de mot de passe pour comprendre pourquoi cette phrase est devenue le leitmotiv du cerveau empoisonné d’un ex-soldat-par-le-hasard-de-la-vie de la guerre Serbo-croate. Ces mots nous parlent, à tous, ils sont forts, puissants, ensorcelant.
Je me suis retrouvé vendredi 22, par le plus grand des hasards, après mille kilomètres qui auraient dû m’amener voir le spectacle Thelma au théâtre de l’épée de bois, à assister au spectacle Néma Probléma qui se jouait, lui aussi, dans le cadre du Festival UN AUTOMNE A TISSER . Et je n’ai pas été déçu du changement de dernière minute.

La scène est plongée dans la pénombre, et une atmosphère angoissante, entre ombres des cadavres de guerre et lumière de l’âme qui survie à une descente aux enfers.
L’homme est seul au centre de la scène. Enfin, seul... il parait seul. Son monologue passionné a pour témoin une ombre silencieuse. Cela semble être son « moi » plus jeune. Un « moi » fringué à la dernière mode, en dandy italien, cheveux gominé des années 30, qui participe au monologue par des profonds silences, ou de longues tirades via son saxophone auquel il semble s’accrocher comme un damné.
Cette ombre est le résumé – quelque part – de ce conte. Un jeune homme BCBG, « italian-lover style » et passionné de saxo qui, par jeux, par curiosité juvénile, par hasard macabre, s’est retrouvé catapulté au centre de la guerre sale entre frères Serbes et Croates d’hier.

Il voulait juste récupérer ses grands parents, disait-il, les sortir de ce pays avant que la guerre ne prenne de l’ampleur. Il s’est retrouvé à assister, participer, planifier, des exactions, des meurtres de masse. Ce garçon que rien n’avait préparé à ce futur sanglant s’est fait piéger dans cette guerre, entre dégoût et justification de l’inacceptable. Aujourd’hui il beugle de sa voix de stentor rempli de rage, et de douleur, son histoire de soldat mort non pas des balles, mais de la déshumanisation des hommes.
Il est parti plein d’entrain et d’idéal romantique de sauveur de ses anciens, il est revenu muré dans le silence du traumatisé de guerre, et il n’échappe à la folie qu’en se plongeant cœur et âme dans la musique.

Néma Problema. Ce vieux grisonnant qu’il est devenu n’a plus que ce terme en tête et il nous l’enfonce, nous son auditoire, dans le crâne à coup de mots puissants et chargés de vérité crue.
Ce spectacle est fort, puissamment humain parce qu’il parle de guerre, de cruauté, du monde d’aujourd’hui.
L’homme aurait pu être noir, cramé par le soleil du Katanga, il aurait pu avoir le hâle d’un montagnard kurde ; les mots auraient été les mêmes. Seuls les adjectifs géographiques auraient changé.

Ce n’est pas un spectacle du box office américain, tirant la larme facile à coup d’artifices de mitraillettes, rugissant en dolby surround et de patriotisme clivant de juillettistes en mal d’identité nationale. C’est juste l’histoire de ces hommes plongés jusqu’aux tréfonds de l’âme dans des chambres des horreurs dont ils n’ont pas demandé la construction, et dont ils n’ont pas les clefs.



Nema problema
de Laura Forti, mis en scène par Alain Batis
Artistes  : Raphaël Almosni, Stanislas de Nussac

Théâtre de l’Épée de Bois - Cartoucherie,
75012 Paris