Les seules limites sont celles que nous nous imposons

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Sujet sensible

Rire et tremblement (18/02/2008)

mercredi 20 février 2008, par Dridjo

Ces deniers temps je me suis posé énormément de questions sur l’humour et surtout sur les « sujets d’humour ». J’ai grandi avec des principes d’humour simples :
1 – Quand on « chambre » les autres il faut s’attendre au retour de bâton. Donc connaître ses points de « fragilité » et les renforcer. Un boxeur à la « mâchoire de verre » a plutôt intérêt à avoir le sautillement de la gazelle et les feintes d’une miss France échouée en pleine soirée « spécial puceau ».
2 – La limite de la vanne se situe là où la cible fait plus que « tiquer ». C’est évident que « l’humour vache » n’existerait pas si on se censurait au premier froncement de sourcil. Et ce serait dommage. Que vaut le plaisir sans un soupçon de douleur ? Demandez aux amateurs de piments qui incendient le palais ou les afficionados du sexe en cuirs, fers et fouets.

Mon questionnement intérieur concerne en fait surtout le second point. Concernant le premier, les amateurs de « vannes unilatérales » résolvent généralement eux-même le problème soit en finissant ermites sociaux soit tueur en série. Évidemment dans ce second cas là c’est un peu plus problématique.
Mon vrai souci ; je crois ; c’est que j’ai l’impression que la ligne imaginaire qu’il ne faut pas franchir sous réserve de tomber dans l’outrage est de plus en plus prêt des susceptibilités. En fait il y a deux lignes. La ligne « humour » et la ligne « susceptibilité » qui semblent toujours mal réglé.

Déjà dernièrement j’ai lu les propos haineux sur le blog d’un ami qui a repris des images qui me semblaient tout à fait banal ; caricaturant les adeptes des attentats suicides en y rajoutant une superbe maxime bien humaniste clamant l’amour entre humains. Des « frères muslims » français ont estimés qu’il insultait leur religion (?) et l’ont presque mis sur le même « podium » que les journalistes du « Jyllands-Posten ». Très peu se sont contenté de dire « tu aurais pu t’abstenir ton truc n’est même pas drôle » et de tracer leur chemin.
Second épisode. Je me rend compte dernièrement qu’une de mes aimables lectrices a été réellement choquée car elle a vu au détour d’une de mes phrases alambiquées, que j’avais un peu « tapé » sur les portugais. Je veux bien croire que ce n’est pas très malin mais utiliser les clichés les plus gros et pourris dans une sauce « second degré » me semble être un bon moyen d’en montrer la stupidité. Mais là j’avais réellement vexé... J’étais choqué de voir que mon trait d’humour avait manqué ne fusse qu’une seule cible.

Souvenir plus lointain d’une sympathique soirée bretonne embrumée de vapeurs de « punch » fait maison par des amis d’un ami ; qui sont évidemment mes amis (!). Je balance à mon pote mon habituelle vanne-cliché à son encontre ; « Breton tête de veau le Parigo aura ta peau » ; à laquelle il répondait invariablement hilare « africain grosse bite, ton balai t’attend chez moi ». Ok ; ce n’était pas d’une finesse « Baucusienne » ni d’une classe « Elizabétaine ». Nous étions jeunes, étudiants et nous nous adorions.
Mais j’avais négligé le contexte et le fait que la limite des uns... etc, etc. Je me suis donc vertement fait reprendre par deux convives hystériques devant mes « propos limites xénophobes » moi qui « dans ta position (?) devrait comprendre ça mieux que quiconque ». Ok...

Après coup je m’étais dit « Ok, peut-être qu’à leur place j’aurais été choqué par la blague idiote ? ». Mais dernièrement j’ai eu l’occasion de répondre à cette question. Je me suis rendu à me demander si c’est moi qui était devenu trop « relativiste » en me contentant trop souvent de simplement « mettre un stop ferme » à toutes vannes ayant dépassé ma « limite de susceptibilité » sans pour autant prêter systématiquement à son auteur des pensées haineuses ?
Je dis cela parce que dernièrement, on m’a montré la pub censurée de Radio Nova sur l’origine du blues. Devant la réaction outrée ; et le mot très faible ; de mon vis à vis j’ai eu le malheur de ne pas avoir la réaction adéquate : « m’ouai. Ils se sont cru drôles en s’essayant au second degré sur l’esclavage, les coups de fouet et le blues. Ce n’était pas très malin ». Sacrilège.
J’étais un vendu. Je n’avais pas le droit de considérer que c’était surtout une blague foireuse, un humour pourri ; mais il fallait absolument que je hurle ma révolte ; que je crache ma haine des racistes qui avaient pondu ce film. Ce n’était pas possible que ces gens se soient simplement plantés en beauté dans leur campagne ; ça n’arrive jamais aux publicitaires n’es-ce pas ; mais c’était assurément les dignes descendants de la pire engeance d’esclavagistes.
Et au final la sentence tomba sur moi : « Je sais pourquoi tu ne réagis pas. On m’avait déjà dit que les africains nés au bled ne se sentaient pas concernés par l’esclavage comme les antillais ». Que voulez-vous répondre à ça ?

Il en est de l’humour comme de la susceptibilité ; les « lignes limites » ne se situent jamais au bon endroit selon que l’on est auteurs ou cibles de l’humour. En tant que auteur on a toujours l’impression que la limite de la « ligne de susceptibilité » devrait se situer plus loin et quand on est la cible, celle de l’humour va toujours trop loin. Et dans tous les cas ; que l’on soit d’un côté ou d’un autre ; on arrive jamais à comprend que les lignes des autres puissent ne pas être situées aux mêmes endroits que les siennes.
Ce phénomène est aggravé en ces temps de mondialisation qui impose les « côtoiements » culturels, religieux et ethniques. Et je suis prêt à parier que le vrai danger des siècles à venir ce ne seront pas les religions, les couleurs, les bombes atomiques. Ce sera l’incapacité que nous avons de percevoir les « lignes d’humour » et les « lignes de susceptibilité » des uns et des autres.